Un travail de recherche bien récent a été élaboré par moi-même dans le cadre d’un mémoire de Master, il avait comme objet l’étude des antécédents à l’utilisation des sites Web en Tunisie bien en comparant les sites B2C (des entreprises tunisiennes) et C2C (de vente entre particuliers). En d’autres termes, il s’agissait de comprendre sur quelles bases l’internaute tunisien choisirait un site et non pas un autre surtout que les statistiques fournies par Alexa ainsi que celles des sites C2C indiquent clairement que les sites de commerce électronique les plus visités en Tunisie sont les sites des petites annonces. Pourquoi alors les sites des entreprises tunisiennes sont-ils si peu visités? et pourquoi les sites des petites annonces ont-ils si bien réussi?
Ces dernières années, les entreprises tunisiennes essayent d’être présentes en ligne, une présence dont la qualité est très variable d’un site à un autre mais qui demeure, en général, médiocre. D’un autre coté, l’internaute tunisien est de plus en plus attiré par les sites communautaires ainsi que les sites de vente entre particuliers ou de petites annonces bien que leurs fondateurs n’aient vraiment pas les moyens financiers dont disposent les entreprises. Il est à noter qu’il existe d’innombrables sites C2C tunisiens, les plus connus sont www.ballouchi.com (pionnier) et www.tunisie-annonce.com. L’objectif de ce travail de recherche était surtout de cerner les raisons derrière la réussite de ce genre de sites bien en veillant à déceler au mieux les lacunes des sites des entreprises tunisiennes. Les principaux constats résultent d’une étude netnographique suivie par des entretiens semi-directifs avec des utilisateurs des deux catégories de sites Web ainsi que des discussions avec des professionnels. Ces derniers et les différents utilisateurs interrogés voulaient avoir plus de détails sur les résultats alors je voulais leur en faire part via ce poste.
Il s’est avéré, dans un premier temps, que l’internaute n’est pas vraiment « détaché » de la réalité, sa présence virtuelle pourrait être déterminée par un ensemble d’impressions ou de perceptions acquises avant ou après la visite du site. Avant de se lancer dans l’expérience virtuelle, et quand le site en question est un site B2C, le nom de domaine étant lié au nom de l’entreprise, aucune originalité ne se perçoit à ce niveau, l’internaute cherche surtout à comparer l’image de l’entreprise à son site, notamment quand il s’agit d’une entreprise de grande renommée. Par ailleurs, les sites des entreprises tunisiennes sont très peu connus, on n’en parle pas très souvent et l’entreprise communique rarement sur sa présence en ligne. Une fois devant son écran, le visiteur considère que les entreprises tunisiennes ne présentent pas les informations nécessaires et complètes sur leurs produits et services et se contentent de simples pages Web illustrant, brièvement, leurs activités. Les produits présentés sur leurs sites, dont les prix sont inabordables, ne sont pas toujours disponibles dans les boutiques faute de mise à jour du site qui est rarement actualisé. Les sites B2C tunisiens sont également perçus comme étant trop « formels » dans le sens où ils semblent s’adresser à de bons connaisseurs en informatique ou alors à des professionnels. Les caractéristiques techniques difficiles à cerner, les difficultés survenues lors de la navigation, le temps de téléchargement élevé et le mauvais référencement sur les moteurs de recherche sont, désormais, parmi les nombreuses critiques qui leur sont adressées. Ensuite, et toujours pour des raisons liées à leur critère « formel », à leur design simpliste et au manque de services sur leurs pages, les sites B2C tunisiens sont encore loin de divertir leurs visiteurs ou de répondre à leurs suggestions. Rares sont les entreprises qui présentent un formulaire de contact ou un forum de discussion, l’interactivité avec le site et l’interaction entre les visiteurs sont pratiquement absentes. Par la suite, se trouvant dans les boutiques, la personne pourrait ne pas retrouver les produits que l’entreprise « prétend » vendre sur le site, le pouvoir de négociation des clients n’est pas tout à fait élevé, les prix présentés par l’entreprise ne sont point flexibles, les vendeurs ne savent pas vraiment parler de leurs produits et se contentent d’une citation des caractéristiques techniques.
Si on comparait l’ensemble de ces éléments aux perceptions relatives aux sites C2C, on pourrait facilement découvrir les raisons derrière leur réussite. Il faut dire que la vente entre particuliers est devenue un vrai sujet d’actualité : dans les blogs, dans les réseaux sociaux ou dans les forums. Il se trouve que les sites C2C sont visités par tout le monde, toutes catégories confondues, et que c’est justement la perception du fort trafic qui encourage les gens à les visiter et essayer cette nouvelle modalité de vente et/ou d’achat. Pour ce qui est de leur contenu, et bien que les informations présentées sur les produits ne soient pas tout à fait crédibles pour certains, le visiteur du site apprécie la manière avec laquelle l’annonceur décrit son produit et la trouve plus « proche » de lui en tant que simple consommateur tunisien. Les produits vendus sont généralement des produits d’occasions mais ils sont bel et bien disponibles, les offres sont également très diversifiées et mises à jour continuellement, on y trouve parfois des choses rares et introuvables ailleurs, cette rareté attire davantage l’internaute qui a l’impression que les produits vendus sur les sites des petites annonces sont sollicités par un bon nombre d’acheteurs et veut, lui aussi, en profiter, surtout qu’ils sont vendus à des prix très compétitifs. La diversité de l’offre et le langage « informel » fort visibles et sentis sur leurs pages s’avèrent de vraies sources de divertissement pour l’internaute. Les responsables des sites C2C sont souvent connus par les visiteurs, répondent à leurs suggestions et ont même réussi à nouer des relations amicales avec certains d’entre eux. L’interaction entre visiteurs est à son summum puisqu’il s’agit de l’objet même d’un site de vente entre particuliers à savoir la mise en relation des vendeurs et des acheteurs. Le passage au « monde réel » vient rassurer les deux parties : une fois qu’il ait rencontré l’annonceur, l’acheteur pourrait discuter des caractéristiques du produit en question et laisser le vendeur s’exprimer à sa propre manière en utilisant des termes bien compréhensibles par un simple consommateur. Cela favorise un terrain d’entente entre les deux parties qui pourraient finalement négocier les prix et choisir un lieu de rencontre qui leur convient, un café ou un lieu public, bien en assurant une bonne atmosphère d’achat en évitant ainsi la pression ressentie dans les boutiques des entreprises provoquée souvent par les vendeurs qui s’y trouvent.
Ainsi, les sites de petites annonces sont loin d’être de simples sites d’échanges de biens et de services, ils constituent une vraie source de richesse et de divertissement pour les visiteurs qui communiquent entre eux, s’échangent des conseils et des astuces et se rencontrent pour finaliser les transactions dans des conditions susceptibles de convenir aux deux parties. Présentent-ils un risque quelconque pour les entreprises ? Serait-elle une étape intermédiaire pour familiariser le tunisien avec le Web et le commerce électronique ? Quelles sont les actions possibles que l’entreprise pourrait entreprendre pour améliorer sa présence en ligne tout en profitant de la réussite de la vente entre particuliers en Tunisie ?
Publié le vendredi 29 mai 2009 Visualisé 8859 fois